Le charme tranquille de San Telmo
A partir de la Avenida de Mayo, commence le sud de la ville, auquel appartient San Telmo. Ce sont les quartiers les plus anciens de la ville, les plus riches en histoire, mais aussi les plus modestes.
C'est un quartier de petite taille : 1,30 km2. (17,4 km2 pour Palermo, le plus étendu)
Chile est la rue qui marque la limite avec Montserrat, au nord. Au sud, Brazil et Caseros, dans le prolongement l’une de l’autre, le séparent de La Boca et Barracas.
Barracas, Pompeya et la Boca occupent une place de choix dans les paroles des tangos : c’est là que naît la ville, pour beaucoup d’immigrants pauvres arrivés par le port, et c’est là que s’installent les nouveaux arrivants.
C’est la rue Piedras qui sépare San Telmo du quartier de Constitución, techniquement. Mais Piedras est une petite rue, et deux cuadras plus loin l’énorme Avenue 9 de Julio représente une séparation, symbolique et physique, bien plus importante.
Lorsqu’on passe la 9 de Julio en venant du fleuve, on arrive à Constitución (en théorie, donc, on y est déjà depuis deux pâtés de maisons), et ce n’est pas un lieu de promenade. De jour, on peut utiliser la gare et le terminal de bus sans se faire assassiner. Visiter le quartier n’est pas forcément une bonne idée. A la nuit tombée… quand on voit l’endroit de jour, on n’a pas envie d’y retourner de nuit.
Histoire
San Telmo fut un des premiers quartiers de la ville, construit sur une hauteur proche du port. L’ancien nom du quartier était “Altos de San Pedro” : “les hauts de San Pedro” (San Pedro étant le saint patron des marins). On voit encore parfois le nom de San Pedro Telmo.
La rue aujourd’hui appelée Defensa fut le théâtre d’une résistance acharnée lorsque les Anglais, en guerre avec l’Espagne, envahirent la ville en 1806. La résistance fut plutôt passive la première année, mais en 1807 les habitants du quartier prirent les choses en main. Les Anglais s’étant engagés dans la rue étroite qu’est Defensa, les habitants du port (c’est le sens du mot porteño) livrèrent un combat acharné, et les obligèrent à reculer jusqu’à leurs bateaux.
Par la suite, San Telmo fut “le” beau quartier de la minuscule Buenos Aires, et les grandes familles de la ville s’y firent construire de vastes demeures autour de patios. En 1870-1871, l’épidémie de fièvre jaune fit fuir tous ceux qui en avaient les moyens, convaincus que les brumes du Riachuelo étaient responsables de la maladie – c’est possible, celle-ci étant transmise par un moustique amateur d’eaux stagnantes (le même moustique que pour le Dengue).
Lorsque l’immigration devint importante, vers la fin du XIXème siècle, les grandes maisons abandonnées devinrent des “conventillos” : des squats, en fait, chaque famille occupant une ou deux pièces de la maison originale et tous partageant les patios. Le “conventillo” est une part importante de l’histoire urbaine de Buenos Aires, car c’était le premier point de chute des immigrants récemment arrivés.
Initialement, les terrains de Buenos Aires avaient une largeur de 16m, et les maisons se construisaient en profondeur en s’éloignant de la rue, autour d’une succession de patios carrés. Plus tard, lorsque fut autorisée la division en terrains de 8m de façade, la plupart de ces maisons furent divisées en deux. Il en reste la typique “Maison chorizo” : une demeure ancienne de 8m de façade sur rue, contruite toute en longueur autour de patios rectangulaires.
Aujourd’hui, San Telmo est une enclave d’un autre siècle entre le Microcentro, bruyant et bruissant d’activité commerciale, et les quartiers du sud de la ville (Barracas et La Boca), pauvres et limite dangereux (en tout cas, à éviter complètement à la nuit tombée – la sensation de menace est tangible).
Comme Palermo Viejo, San Telmo est une oasis de calme un peu désuet dans la ville moderne, avec ses ruelles pavées, les rails du tramway affleurant ici ou là sous l’aspahalte, et ses façades du début du siècle, un peu croulantes, rarement entretenues. La différence : San Telmo n’a pas les tours ultra-modernes, entourées de jardins privés, qui se sont mises à fleurir à Palermo.
Authentique et simple
Malgré son charme, San Telmo n’est guère apprécié des habitants de Buenos Aires, et ce sont les touristes qui l’ont remis à la mode. Leur intérêt pour les maisons anciennes, à très haut plafond, autour d’un patio, a d’abord attiré l’attention des agences immobilières. Le quartier était un peu abandonné car peu de gens ici recherchent les maisons “chorizo”, peu lumineuses, où toutes les pièces donnent sur une galerie.
Mais leurs boiseries, leurs parquets, leur hauteur de plafond de quatre mètres et plus… et leur bas prix au m2, en faisaient un rêve d’architecture coloniale très accessible pour les touristes. C’était le même charme que Palermo, mais beaucoup moins cher, et plus authentique, peut-être, car Palermo est désormais très tourné vers le tourisme et les restaurants “cuisine du monde”.
Une fois que les étrangers montrèrent de l’intérêt pour San Telmo, les prix se mirent à monter un peu (pas beaucoup, car la clientèle locale est toujours réticente), les stylistes qui ne pouvaient s’offrir Palermo ouvrirent des espaces à San Telmo, et la municipalité fit refaire les trottoirs.
Cependant, ainsi revitalisé, San Telmo n’a rien perdu de son charme. Au contraire : nombre de cafés et restaurants abordables se sont installés dans les maisons anciennes, rénovées, ouvrant ainsi au “public” les patios et les grandes salles voûtées.
Dans l’ensemble, la plupart des boutiques et restaurants ont évité les excès de Palermo, où les prix (de l’immobilier et du sushi) ont monté en flèche.
Oui, il y a désormais à San Telmo les inévitables Freddo et Café Havanna, deux grandes chaînes qui ne s’aventuraient pas dans ce quartier prolétaire jusqu’à l’année dernière. On y trouve désormais un restaurant japonais, et une boutique Levi’s.
Mais la plupart des restaurants qui s’y sont ouverts sont des grills et parillas. Les rénovations respectent l’architecture d’époque au lieu de créer des “lofts” industriels dans les vieilles maisons (hum, avec quelques douloureuses exceptions)… et tous les petits cafés qui ont placé trois tables dans un étroit patio, avec une carte de sandwiches et un service sympa, permettent de profiter d’un coin d’ombre et d’un café sans prétentions, mais d’un charme fou.
Le centre de San Telmo est la Plaza Dorrego, une des rares places de Buenos Aires où l’on puisse boire un verre en plein air. Le samedi et le dimanche, elle accueille un marché d’antiquités, qui tend à ressembler plus à une brocante ou un marché aux puces qu’à du vrai antiquaire, et la rue Defensa (qui relie Plaza de Mayo à Parque Lezama, en passant par la Plaza Dorrego), devient piétonne.
Toute la rue devient un marché à l’air libre : artisanat, danseurs, musiciens, marionettistes, y exposent, vendent, montrent, leurs spécialités. La rue Defensa et les rues avoisinantes comprennent de nombreux antiquaires.
L’Ambassade de France souligne que ce quartier est le paradis des pickpockets le week-end : la propre fille de Bush s’y est fait voler son sac à main… C’est à attendre de tout marché en plein air, bondé, dans toute capitale du monde. La “feria” de San Telmo reste un lieu de ballade obligé un week-end, au moins une fois, pour un bain de foule et quelques achats originaux. Il y a moins de monde le matin.
La place est entourée de petits restaurants où l’on mange assez mal tout en étant servi à contrecoeur. Il suffit de s’éloigner d’une ou deux “cuadras” pour accéder à des endroits où l’on sera mieux traité.
Parallèle à Defensa, en allant vers le Microcentro, se trouve la rue Balcarce , tranquille et pleine de charme, avec de nombreux restaurants où le repas s’accompagne de musique où d’un show de tango.
Sur une petite place qui relie Defensa et Balcarce, au coin de laquelle vivait le dessinateur Guido, vient d’être installée une statue de Mafalda.
D’un point de vue touristique, San Telmo vaut une visite un week-end pour le marché, et une visite en semaine pour profiter de son calme et de son charme, ainsi que des nombreuses boutiques d’antiquaires. Côté achats, c’est ‘egalement un bon endroit pour rechercher des vêtements originaux ou des meubles récupérés avec fantaisie.
D’un point de vue “vie quotidienne”, c’est un quartier agréable à vivre, bien relié au centre. Les prix y sont modestes mais ce n’est pas un quartier dangereux, et il fait bon s’y promener le soir. Quelques immeubles en hauteur permettent encore d’avoir une vue sur le fleuve, même si le rythme de construction à Puerto Madero la fait disparaître progressivement. Il n’y a guère d’espaces verts à San Telmo, mais la Costanera Sur et la Reserve Ecologique sont facilement accessibles à pied (environ 15 minutes).
Où danser le tango à San Telmo ?
Le quartier compte plusieurs milongas : Independencia (Independencia 572), la milonga del Indio le dimanche après-midi sur la Plaza Dorrego, les soirées du Centre Culturel Torcuato Tasso... Plus récemment, Andariega, avec son orchestre.
Gricel et Niño Bien sont juste en face, à Constitución (en taxi).
Combien coûte un appartement à San Telmo ?
Les prix d'achat au m² sont modérés, notamment parce que San Telmo ne compte quasiment que de l'ancien. Le neuf, étant bien plus cher, tire le prix moyen d'un quartier à la hausse.